À l'origine du nom "libellule" : Rondelet 1558


L'étymologie du mot « libellule » est longtemps restée mal comprise, chaque dictionnaire donnant une version différente. Même le Littré puis le Dictionaire historique de la langue française ne donnent pas une explication complète.


Grâce au livre de J.L. Dommanget (1985) montrant un extrait de l'œuvre de Rondelet (1558), tous les spécialistes de ces insectes savent enfin l'histoire :


« Libella » était le nom d'un niveau pour maçons ou charpentiers. Il était composé d'un élément comparable à un « T » de dessinateur associé à un fil à plomb.

Le requin marteau présente une analogie de forme avec cet instrument qui lui vaut d'en recevoir le nom. (Rondelet, p.304.)

À son tour, une larve de libellule en prend le nom pour sa similitude avec le poisson. (Rondelet, 2e partie, p.157.)

Plus tard, le sufixe diminutif -ula est ajouté, donnant naissance au nom Libellula (Linné).



Voici le texte de Guillaume Rondelet (L'histoire entière des poisons. Lyon, Macé Bonhomme, 1558.) :


Du Marteau ou Niveau d'eau douce.
Chap. 35.

Ce petit insecte se peut appeler Libella fluviatilis, pour la similitude de corps qu'il a avec le poisson marin nommé Zigæna ou Libella, pour la figure faite comme un Niveau, duquel usent les Architectes, lequel aussi en Italie s'appelle poisson Marteau. Cette bête est fort petite, de la figure d'un T, ou d'un Niveau, ayant trois pieds de chaque côté. La queue finit en trois pointes vertes desquelles, et des pieds elle nage.


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Du Marteau, ou poisson Juif.
Chap. 10.

ΖΥΓΑΙΝΑ, en Latin Libella est nommé ce poisson de la figure qu'il a comme un instrument de maçon et charpentiers, appelé en français niveau, qui est fait d'un bois mis de travers au milieu duquel est dressé un autre, et d'icelui pend une petite corde avec un plomb au bout. Tel est la figure de ce poisson ayant la tête de travers, le corps posé au milieu d'icelle, ou bien est nommé Ζυγαινα pour la figure d'une balance ou la figure d'un joug lequel on lie de travers aux têtes de bœufs. Pour cette même façon de tête, d'aucuns en Italie est nommé Balista, d'autres Pesce martello, car il est fait comme un marteau, à Marseille Peis iouzio poisson juif de la similitude de l'accoutrement de tête duquel usaient au temps passé les juifs en Provence, en Espagne Peisz limo, Limada, toilandalo. Ce poisson est grand et cetacée [à l'époque : "grand poisson"], il a les ouïes découvertes aux côtés, la bouche au-dessous, la tête différente de tous les autres, à savoir mise de travers comme l'arc d'une arbalète, ou la tête d'un marteau, en chaque bout de la tête sont mis les yeux. Il a la bouche grande, garnie de trois rangs de dents, larges pointues, fortes, tendentes [inclinées] vers les côtés. La langue large comme la langue de l'homme. Le dos est noir, le ventre blanc. Il a deux ailes [nageoires] aux ouïes, au dos point, près de la queue il en a deux petites, la queue finit en deux grandes, inégales. Il a un col, et un long conduit par où dévale la viande en l'estomac, il est horrible à voir, sa rencontre porte malheur aux navigateurs. Il est de chair dure, de mauvais goût, de mauvaise odeur, de mauvaise nourriture.

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